Week-end de Pâques - 3 avril 2021-
Session à la plage de la Vieille Nouvelle
Entre Gruissan et Port la Nouvelle (Aude 11)
Récit par YAN :
Ce samedi-là, nous décidons de partir naviguer avec quatre amis. Les prévisions nous donnent une Tramontane établie entre 30 et 35 Knts.
Sur place, pas de surprise, la tram est là, nous décidons tous de gréer en 4.7-4.8 avec 95 Litres. Après avoir tiré les premiers bords, deux de mes amis décident de changer de voile et de passer en 4.0 et 4.2, car le vent est plus fort qu’annoncé. Pour ma part, je reste en 4.7 car sinon, je n’ai qu’une 3.7 maismême si çatire pas mal, ça passe.
On a donc commencé à naviguer vers 11h30 et poursuivi jusqu’à 14h30. C’est ma première navigation de l’année, je n’ai pas de sac à dos, pas de réserve d’eau.
Au bout de 3 heures de navigation, je commence à avoir faim et soif, mais nous nous apprêtons à tirer le dernier bord et à nous restaurer. La matinée a été très bonne,on se régale !
Sur le retour, je chute et prends un bon coup à l’épaule gauche. Je suis au niveau du grau de l’Ayrolle, le vent tourne très Ouest et forcit ; il passe les 40 nœuds. J’éprouve des difficultés à tenir le cap et je m’éloigne du bord de la plage assez rapidement. Je ressens une baisse de jus dans les jambes et dans les bras.
En voulant retendre mes bouts de harnais pour mieux caper, je chute à nouveau. Je sens que je suis proche de l’hypoglycémie, je n’arrive plus à remonter sur ma planche.
J’essaye de faire un contre bord pour revenir vers la plage, mais je n’arrive plus à me mettre au harnais.Mon bras gauche est complètement tétanisé, il ne tient plus le wishbone. Je suis à bout de forces dans une mer bien agitée car le vent continue de forcir.
Je décide alors de prendre le temps de récupérer, mais en fait, je me refroidis, et je dérive encore plus pour me retrouver dans une houle bien formée. Je me rends compte alors que je m’éloigne dangereusement et que rentrer va être très difficile. Je dépasse le cargo qui est ancré au large de Port la Nouvelle : je pars au large !
A ce moment-là, il faut se mettre en mode survie. Jegarde avec moi tout mon matériel qui m’assure une stabilité et m’évite de dériver encore plus vite.
Je ne pense plus qu’à une chose : Il faut que mes amis appellent les secours !! C’est ce qu’ils font heureusement rapidement et je vois passer au loin un bateau de la SNSM et un hélicoptère de la protection civile ; ça me rassure !
Plus tard, le bateau de la SNSM passe à environ une centaine de mètres de moi sans me voir. Puis, un autre vient sur moi et au dernier moment, vire de bord. Je vois également au loin le bateau de la marine nationale. Je réalise alors que je ne suis pas du tout visible. La houle s’est creusée encore plus avec beaucoup d’écume, bref on ne voit rien.
J’ai un casque bleu roi, une combinaison noire, pas de gilet de flottaison ni aucun élément de sécurité pour me rendre visible.
J’insiste sur le fait que si j’avais eu un casque de couleur rouge, orange ou jaune, j’aurai forcément été repéré d’autant plus que les secours sont passés près de moi.
Le soleil baisse, il est à l’horizon, je commence à avoir froid. La nuit tombe, je lutte toujours contre les grosses vagues et un vent qui rafale parfois à 50Knts, et ce jusqu’à environ 4h00 du matin.
Finalement,les sauveteurs m’ont récupéré à 9h00 le lendemain matin.Je serai resté dans l’eau, accroché à ma planche pendant 18h00.
Ce qui m’est arrivé peut arriver à n’importe qui et j’ai conscience que j’ai de la chance d’être encore là, pour le raconter. C’est un cumul de petits problèmes qui a favorisé cet accident. Fatigue, hypoglycémie, chutes à répétitions. Heureusement, j’avais une excellente combinaison Mystic 5.3 qui m’a sans doute sauvé la vie.
Aujourd’hui, j’envisage de naviguer à nouveau avec mes amis, mais on ne naviguera plus comme avant, nous allons améliorer notre sécurité.
Nous avons aussi décidé de parler de ce qui m’est arrivé à la communauté WINDSURFER et de proposer des choses simples pour éviter à d’autres une grosse galère, notamment quand le vent souffle de la terre vers la mer.
1) Autant que possible, ne jamais naviguer seul, ou prévenir une personne de confiance du lieu et de l’heure de la navigation,ou avoir la montre orange de la SNSM.
2) Avoir une personne de confiance qui sait donner l’alerte : Cross = 196
3) Avoir un casque visible, orange fluo ou jaune fluo avec des bandes réfléchissantes.
4) Avoir un petit sac à dos avec une poche à eau et des barres de céréales ou du glucose
5) un miroir
6) un sifflet
7) un ou deux bâtons de cyalume,
8) un bout de corde de 4 mètres.
9) Ne pas se séparer de sa planche ni de savoile : c’est notre bouée de sauvetage
Ne pas surestimer ses possibilités ; la mer est plus forte que nous. S’il y a bien un numéro à retenir c’est le 196 pour déclencher l’alerte au niveau du Cross.
Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage.
Cette mésaventure m’a fait rencontrer des personnes exceptionnelles : les Sauveteurs, tous corps confondus. Sans eux et sans leur organisation je ne serais pas là.
Un immense merci pour le CROSS Med, la SNSM de Gruissan, de Port la Nouvelle et deLeucate, les Pompiers, la Gendarmerie Maritime, la Marine Nationale, la Sécurité Civile, les plaisanciers, les pilotes des avions et des hélicoptères, ma famille, mes amis.
J’ai pensé à eux pendant 18H00.
Photo : Didier Crouzel
Le report de la SNSM : https://tram-riders.com/media/kunena/attachments/64/SNSMSauvetagen156-artyane.pdf